Les interviews de Boursica

« Aujourd'hui, la capacité de croissance à l'international est vraiment importante pour Visiativ »

Olivier Stephan, Directeur Général Adjoint Finances et Fonctions Support de Visiativ,
le 8 décembre 2017.

Depuis bientôt trois ans, Olivier Stephan est venu renforcer le management de Visiativ. Il a eu par le passé des postes à responsabilité dans des grands groupes tels que SEB et Bouygues Telecom.


(Boursica.com) Nos lecteurs vous connaissent principalement comme un accélérateur de la transformation numérique. Pouvez-vous nous détailler dans ce cadre vos deux principales activités, l'intégration et l'édition de logiciels collaboratifs ?

(Olivier Stephan) Le métier historique de Visiativ, c'est d'abord l'intégration des solutions de Dassault Systèmes pour concevoir des plans en 3D. C'est ainsi que l'entreprise est née, il y a une trentaine d'année pour ensuite se diversifier dans le monde de l'édition, en particulier au travers des processus qualité et également dans la gestion électronique des documents. Il y a trois ans, en 2014, Visiativ s'est introduite en bourse et a profité du levier financier complémentaire pour réaliser des acquisitions et compléter son offre produit, à la fois avec Dassault Systèmes par une activité 3DEXPERIENCE(1), notamment avec les produits CATIA et ENOVIA qui sont extrêmement diffusés dans le monde de l'aéronautique et de l'industrie automobile. Ce sont des produits très complets permettant de gérer des projets que l'on appelle les PLM (Product, LifeCycle, Management). C'est un business dans lequel nous ne réalisions pratiquement aucun chiffre d'affaires il y a trois ans alors que maintenant nous en faisons près de 25 millions d'€, dans les 120 à 125 millions que nous avons annoncé faire pour cette année.

Enfin, pour l'activité d'édition, Visiativ est très connue dans les plateformes qui sont vendues plutôt dans les TPE, PME et ETI qui sont en particulier nos clients SOLIDWORKS(2) chez qui nous allons vendre des portails collaboratifs, des intranets, extranets, des fonctionnalités Métiers, en particulier d'e-commerce, des fonctions de service après-vente, ou encore des process RH, pour, par exemple, gérer les congés, les notes de frais et toute la communication du réseau social de l'entreprise.

Nous prévoyons donc de réaliser, dans les 120 à 125 millions d'€ de chiffre d'affaires annoncés cette année, au moins 22 millions dans l'édition et 100 millions dans la partie Dassault Systèmes, dont 75 millions pour les solutions SOLIDWORKS et 25 millions sur la partie 3DEXPERIENCE.

(Boursica.com) A ce titre, en quoi consistent concrètement vos deux applications phares, 3DEXPERIENCE et Moovapps ; et quels sont les différents profils de leurs utilisateurs ? De même, quels sont les besoins auxquels vous répondez avec ces solutions ?

(Olivier Stephan) Pour les produits Dassault Systèmes, nos clients sont clairement constitués de bureaux d'études, de bureaux d'innovation. Avec ce produit, ils conçoivent les pièces qu'ils veulent industrialiser par la suite. Ces solutions sont plutôt destinées au monde de l'industrie, même si aujourd'hui, Dassault Systèmes tente de séduire d'autres secteurs, en particulier le marché des biens de consommation et de la grande distribution. C'est notamment pour cette raison que nous avons acheté, il y a trois ans, la société KALISTA Solutions, spécialisée dans la mise en œuvre de simulation 3D de rayons de grande distribution.

Nos clients étaient donc initialement plutôt industriels, mais nous essayons de nous diversifier, en partie dans le retail, en accompagnant des clients comme Babolat, Lacoste, ou encore Façonnable pour n'en citer que quelques-uns.

Pour revenir sur l'édition, comme je vous l'expliquais, avec le portail collaboratif, intranet, extranet, il est important de noter que nous ne sommes pas dans le cadre des ERP (Enterprise Resource Planning ou Progiciel de Gestion Intégré). Nous ne faisons pas de comptabilité, nous essayons au contraire de couvrir tous les processus à l'intérieur même de l'entreprise qui ne sont pas liés à une législation nationale, ce qui fait que nos produits sont facilement commercialisables dans d'autres pays.

(Boursica.com) Vous avez récemment emprunté le virage de l'impression 3D en prenant une participation dans la société Valla, mais aussi en nouant un partenariat avec HP dans ce domaine. Quelles sont vos ambitions dans ce nouveau développement stratégique ?

(Olivier Stephan) Nous avons effectivement emprunté, à la grande surprise de certains, le virage de l'impression 3D. Nous discutions depuis plus d'un an avec HP sur la distribution d'imprimantes 3D, enfin plutôt pour être plus concret sur la distribution de véritables machines, HP ayant commercialisé, il y a quelques mois, des machines extrêmement performantes, qui créent une véritable rupture dans le marché de l'impression 3D. Ces machines professionnelles coûtent entre 100 000 et 300 000 euros, elles travaillent dix fois plus vite que leurs concurrentes, avec notamment des multi-consommables. De ce fait, puisque nous sommes partenaires de HP de longue date, nous n'avons pas longtemps hésité à accélérer notre développement sur ce segment.

Nous nous sommes donc dit, quitte à se lancer dans l'impression 3D, nous pouvons faire autre chose que seulement vendre des machines pour offrir un service tout-en-un, entre la conception de la pièce dans la plate-forme 3DEXPERIENCE ou dans SOLIDWORKS jusqu'à la capacité à faire produire un prototype. C'est pour cette raison que nous avons passé un partenariat au travers d'une participation minoritaire, qui a d'ailleurs vocation à devenir majoritaire, au capital de la société en croissance Valla, spécialisée dans le prototypage rapide.

(Boursica.com) En matière d'acquisitions, bien nombreuses au cours des dernières années, celle de la société suisse c+e forum a particulièrement retenu notre attention. Doit-on s'attendre à une plus grande internationalisation de vos activités ?

(Olivier Stephan) Pour répondre à votre question, dès 2016 nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 106 millions d'euros, notre précédent plan étant atteint avec un an d'avance. Nous avons dès lors décidé de lancer un nouveau plan stratégique, avec l'objectif de faire au moins 200 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2020, donc de le doubler. Nous avons prévu sur cette croissance de 100 millions, de réaliser 50 millions d'euros par croissance organique et l'autre moitié par des acquisitions.

Plus concrètement sur ce volet des acquisitions, deux types de société nous intéressent : les sociétés qui développent des produits d'édition complémentaires de notre suite Moovapps, ce sont notamment des sociétés telles que Numvision et Spread. Pour être encore plus précis, sur les 50 millions d'euros visés, les compléments produits représenteront entre 10 et 15 millions d'euros dans les trois à quatre prochaines années. Pour les 35 à 40 millions d'euros complémentaires, nous cherchons à acheter des distributeurs SOLIDWORKS européens sur lesquelles nous serons capables de vendre nos produits Moovapps. En d'autres termes, notre stratégie est ainsi la suivante : ou nous complétons l'édition en application ou en verticalisation, ou nous achetons des distributeurs SOLIDWORKS comme c'est le cas pour c+e forum.

En ce qui concerne la Suisse, nous avions précédemment 90% de parts de marché pour la Suisse romande. Nous avons gagné 30% de parts de marché en Suisse alémanique via cette opération, donc nous avons actuellement près de 50% du marché suisse au total.

Pour finir, aujourd'hui, en France, sur la partie Dassault Systèmes, nous n'avons pratiquement plus de possibilité de croitre en acquisitions puisque sur SOLIDWORKS, nous avons 80% de parts de marché. Sur la partie 3DEXPERIENCE, nous sommes le deuxième acteur avec 30% de parts de marché, sachant que le leader en place, Keonys, (qui a d'ailleurs été acheté en milieu d'année par le groupe allemand Cenit), possède 60% du marché. Donc aujourd'hui la capacité de croissance dans l'intégration est clairement à l'international pour Visiativ.

(Boursica.com) Dernière actualité marquante, vous avez levé près de 15 millions d'euros via une augmentation de capital. Dans quelle mesure cette levée de fonds vous permettra-elle d'accélérer la réalisation de votre plan stratégique Next100 ? Nous rappelons à nos lecteurs que vous entendez doubler votre chiffre d'affaires à horizon 2020, à 200 millions d'euros, tout en gagnant en rentabilité.

(Olivier Stephan) Pour rappel, nous avions levé l'année dernière 7,5 millions d'euros au travers d'un placement privé auprès d'institutionnels, de financements obtenus auprès de notre pool bancaire et de la BPI, donc notre plan à horizon 2020 était déjà financé pour environ 25 millions d'euros au total.

Nous avons finalement pensé que beaucoup d'opportunités se présentent devant nous, y compris parfois des cibles plus grosses que ce que nous avions initialement imaginé, tout en restant raisonnables dans les multiples auxquelles nous réalisons nos acquisitions. Autrement dit, ce que nous souhaitons, c'est accélérer ce plan, en ayant accès à des cibles de plus grande taille. Nous voulons atteindre les 200 millions d'euros de chiffre d'affaires plus vite, le but demeure clairement d'accélérer ce plan.

Ce qui est très important, et Laurent Fiard (notre PDG) l'a beaucoup fait depuis 3 ans, c'est d'expliquer la transformation numérique. Il a fait partie des premiers de ceux qui l'ont évangélisée. C'est assez vite rentré dans les mœurs des grands groupes et de leurs dirigeants et c'est aujourd'hui en train de se diffuser au sein des TPE, PME et ETI, qui sont clairement notre cible de clientèle.

(Boursica.com) Visiativ est l'une des valeurs de la cote française qui s'est le plus appréciée depuis le début de l'année, quel regard portez-vous sur cette réussite boursière ?

(Olivier Stephan) C'est sûr qu'un cours de bourse élevé est une exigence, une marque de performance. Ce qui est vraiment intéressant c'est que notre entrée en Bourse était un pari puisque nous avions d'autres moyens de financement possibles. La bourse c'est donc de l'exigence mais c'est aussi une grande importance accordée pour notre image auprès des clients. Cela nous donne aussi des moyens, preuve en est, nous avons pu lever des fonds rapidement auprès d'institutionnels ou bien auprès de nos actionnaires en place, notre histoire et vision plaisent, donc objectivement cela se passe dans de bonnes conditions.

Reste que nous étions sous-cotés à notre entrée compte tenu de notre modèle d'édition, caractérisé par un coût en R&D assez fixe alors que notre chiffre d'affaires a grimpé rapidement, donc notre rentabilité a mécaniquement suivi derrière.

Finalement ce qui fait la particularité de Visiativ, c'est que nous sommes à la fois un intégrateur, qui exige de raisonner en multiples d'EBITDA ou d'EBIT, et un éditeur, qui demande une valorisation en multiple de chiffre d'affaires. C'est donc un modèle assez hybride de valorisation, c'est pour cette raison qu'il n'est pas toujours évident de valoriser notre performance.

Pour être bref, nous sommes satisfaits de la croissance et de la progression de la rentabilité, cela nous donne des moyens pour faire des levées de fonds, mais concrètement, nous n'avons pas envie de nous arrêter là.

(Boursica.com) Enfin auriez-vous un point ou sujet d'actualité de Visiativ que vous souhaiteriez transmettre aux investisseurs ?

(Olivier Stephan) Ce qui est important de retenir, et complémentaire à vos questions, c'est qu'aujourd'hui, l'une des clefs de la réussite repose sur notre capacité à structurer cette croissance. Nous nous attelons à apporter une certaine forme de rigueur dans l'analyse de la performance, tout en ne bridant pas les initiatives. Pour cela, nous avons embauché des cadres pour notre développement à l'international.

Par ailleurs, pour payer les cibles à un prix raisonnable, nous réalisons des acquisitions que l'on appelle "collaborative". Nous démarchons des sociétés ou les dirigeants achètent avec nous une partie du capital, entre 25 et 49%. Ils ont une clause de vente de trois ans à cinq ans sur un multiple d'EBITDA de l'année précédente. C'est donc une façon d'acheter au bon prix, car sur l'entrée nous achetons sur la valeur des résultats à l'instant T et le complément se fera sur la création de valeur de cet ensemble. C'est une spécificité Visiativ, ce qui fait que nous intégrons des talents intéressants.

Il faut ensuite fédérer des cultures et des styles de management très différents, c'est véritablement un challenge pour réussir. Pour toutes les structures que nous avons achetées sur ce modèle, elles sont sur des croissances organiques comprises entre 15 et 30%. En somme, les salariés de ces groupes deviennent des actionnaires et cela donne véritablement un effet vertueux tout à fait intéressant. Nous tentons ainsi de combiner le plaisir de travailler dans une start-up, tout en disposant de services d'un groupe qui dispose de moyens importants dans le back-office, dans l'organisation et dans le management.

J'ajoute enfin que nous avons renforcé les équipes de direction et la gouvernance de Visiativ, avec l'arrivée de nouveaux directeurs et administrateurs qui apportent toute leur connaissance et expérience, besoin lié à la forte croissance que connaît Visiativ.


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